C’est la plus récente étape d’une “aventure dans l’IA”, débutée il y a quelques années et qui n’a cessé de stimuler sa croissance. Le 30 juillet 2024, Canva officialisait, dans un communiqué, le rachat de Leonardo.ai. En s’emparant de ce générateur d’images adopté par 19 millions d’utilisateurs, et surtout de son modèle fondateur Phoenix qui sera, à terme, intégré à sa suite d’outils, l’entreprise australienne continue d’accélérer sur l’intégration de cette technologie, multipliant les acquisitions et les déploiements d’outils. Une stratégie graduelle, cohérente, qui s’inscrit naturellement dans l’ADN d’une plateforme ayant pour mission de “permettre à chacun de concevoir n’importe quoi et de publier n’importe où”.

En parallèle de ses innovations autour de l’IA, Canva attache aussi beaucoup d’importance à sa communauté comme le montre sa dernière campagne intitulée “Love Your Work” lancée en septembre : “Nous voulions créer une plateforme qui encourage les personnes à trouver de la joie dans leur travail, mais aussi à reconnaître et à célébrer le travail extraordinaire des autres. Il s’agit de faire évoluer la culture d’entreprise de façon positive.”  nous partage Cat van der Werff, la directrice de création chez Canva.

L’intégration de l’IA, une évidence pour Canva

Si l’IA générative s’invite, depuis l’avènement de ChatGPT, dans de nombreuses solutions logicielles sans que son utilité soit toujours claire et établie, son intégration dans la suite d’outils graphiques apparaît comme une évidence, qui n’est ni dictée par le contexte ni par un effet de mode. Lancée en 2013, la plateforme, qui a convaincu 195 millions d’utilisateurs à travers le monde, s’efforce, depuis ses débuts, à concevoir des outils intuitifs, accessibles aussi bien aux novices qu’aux professionnels. Mais aussi à créer “des raccourcis dans les processus”, rappelle sa PDG Mélanie Perkins dans Decoder, un podcast produit par The Verge.

Et c’est précisément pour cette raison que la société s’est intéressée, très tôt, à l’intelligence artificielle qui “permet de d’inspirer et de développer la créativité et non de la remplacer”, estime Cat van der Werff, directrice de création chez Canva, interrogée par BDM. Et dont les applications concrètes sont, sur le papier, alignées avec sa promesse de marque.

Le développement de HTML 5 et de l’accès aux ordinateurs personnels nous a permis de démocratiser le design, il y a dix ans. Aujourd’hui, les avancées significatives dans le domaine de l’intelligence artificielle nous donnent une nouvelle opportunité de repenser le processus de conception.

Le tournant Kaleido

Au départ, l’intelligence artificielle est d’abord exploitée, comme souvent, sans vocation créative, notamment pour améliorer discrètement l’expérience des utilisateurs sur la plateforme, rembobine le cofondateur Cameron Adams auprès du JDN. À partir de 2015, dit-il, elle servait notamment à “personnaliser les recommandations de modèles sur la page d’accueil” ou “proposer le contenu le plus adapté en fonction du profil”. Puis, progressivement, l’entreprise australienne, prenant conscience de l’intérêt d’une telle technologie pour les designers novices ou confirmés, commence ses premiers tests. Et tente de répondre à des besoins concrets, identifiés depuis plusieurs années.

La première fonctionnalité d’intelligence artificielle que nous avons intégrée à Canva est l’outil de suppression d’arrière-plan“, se remémore Melanie Perkins. Créé par Kaleido, une société autrichienne qui sera finalement rachetée par Canva en 2021, cet outil, d’une simplicité extrême et rendu disponible en 2019, illustre, selon sa PDG, l’approche de l’entreprise en matière d’IA générative. “Une tâche chronophage et qui ne pouvait être accomplie que par un nombre restreint de personnes devenait, tout à coup, réalisable en un clic”, souligne-t-elle. L’outil, révolutionnaire pour l’époque et largement copié depuis, notamment par le mastodonte Adobe, a été utilisé plusieurs millions de fois depuis son déploiement.

Un aperçu de l’outil de suppression d’arrière-plan. © Canva

En septembre 2022, Canva va plus loin : quelques semaines avant le lancement de ChatGPT, qui allait largement focaliser l’attention sur les technologies d’IA génératives, l’entreprise dévoile un outil “permettant de transformer les mots en images”relate Forbes. Pour ce projet d’envergure, qui deviendra Text to Image, l’entreprise australienne s’était imposée un délai serré : il devait être ficelé, développé et déployé en 6 semaines. “Une deadline rendue possible grâce à des années de travail préparatoire”, rappelle Cameron Adams au média américain. [Canva] disposait de toutes les infrastructures d’apprentissage automatique. Nous savions quels modèles utiliser pour convertir un message textuel en une image provenant de votre imagination”. L’entreprise australienne sera aussi l’une des premières à surfer sur la vague ChatGPT en lançant Écriture magique, un générateur de texte développé en partenariat avec OpenAI dès décembre 2022.

L’IA occupe une place croissante sur la plateforme

Depuis ces premières expérimentations, toutes couronnées de succès selon la plateforme, l’IA générative occupe une place croissante sur la plateforme. En octobre 2023, Canva a, par exemple, lancé Studio Magique : une suite d’outils dopés à l’IA qui permettent, entre autres, de supprimer des éléments indésirables, d’éditer des images sans les dénaturer ou de transformer son design en tout type de documents. Fidèle à sa stratégie initiale, Canva a appliqué le principe adopté avec son outil de suppression d’arrière-plan : proposer une solution permettant d’accomplir une tâche chronophage, sans avoir à maîtriser un logiciel complexe.

Stimuler la productivité pour séduire les entreprises

L’intégration à grande échelle de l’IA générative, qui stimule à la fois la productivité et la créativité, représente aussi un atout pour attirer les entreprises de toutes tailles, que Canva courtise activement. En offrant un gain de temps significatif et des fonctionnalités accélérant les processus créatifs, Canva est bien positionné pour convaincre les plus petites structures, limitées en ressources financières et humaines. “Notre rapport sur l’économie visuelle 2024 a révélé que près de 80 % des dirigeants d’entreprise en France ont utilisé des outils d’IA pour créer du contenu visuel au cours de l’année écoulée. Il est clair que la communication visuelle est plus importante que jamais : 81 % de ces responsables déclarent que cela a amélioré les performances de leur entreprise et 74 % d’entre eux augmentent leur budget consacré aux outils visuels”, explique Cat van der Werff. Quant aux grands groupes, l’objectif est maintenant de fidéliser : 95 % des entreprises du Fortune 500 utilisant déjà sa plateforme, selon ses données internes.

Il reste maintenant à voir jusqu’où Canva poussera l’IA générative, et si son potentiel d’innovation lui permettra de maintenir ses concurrents, Microsoft Designer en tête, à distance. Récemment, l’entreprise a déployé de nouvelles fonctionnalités sur la plateforme, dont “la réduction du bruit d’arrière-plan dans les vidéos et un générateur d’images texte-illustration, qui transforme instantanément des croquis dessinés à la main en designs soignés”, complète Cat van der Werff. Et elle ne devrait pas arrêter ses expérimentations, tant qu’elles respectent la promesse initiale, à savoir “donner vie à des idées”“Avec une mission aussi ambitieuse, nous affirmons souvent n’avoir parcouru que 1 % du chemin, et qu’il y a toujours de nouveaux horizons à explorer”.



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